Dans les coulisses de Smoon — interview avec Mathilde Houset, fondatrice
C’est durant l’allaitement de sa fille que Mathilde a eu cette prise de conscience d’où est partie l’idée de Smoon. Il existe des vêtements « tech » pour tout mais, pour des problèmes simples que rencontre une femme dans sa vie au moment des règles ou d’une grossesse par exemple, les fabricants n’ont pratiquement rien à proposer. Après avoir interviewé de nombreuses femmes sur l’intérêt qu’elles pourraient avoir à porter des vêtements absorbants pour l’allaitement, Mathilde s’est rendue compte que son projet pourrait largement dépasser sa cible initiale. Au même moment, elle découvre l’existence de culottes de règles vendues par une marque américaine, qu’elle achète et essaye aussitôt. Mathilde est conquise par le concept mais voit également les améliorations qu’il faut apporter au produit pour en faire une protection fiable. Des culottes confortables, performantes, qui offrent une liberté sans précédent : l’idée était lancée. Mathilde rencontre alors un ingénieur textile avec qui elle travaille une année pour développer ce nouveau produit. Nous l’avons interviewée.
Concrètement, concernant le mode d’utilisation de la culotte, on la met et puis c’est tout ?
Exactement ! Cela dit, à chaque femme de trouver son usage ! Notre culotte est conçue pour être portée seule pendant toute la journée ou la nuit. Mais certaines préféreront la mettre en complément de leurs cups ou de leurs tampons ou la nuit uniquement.
Quelle technologie est utilisée ? Comment l’as-tu trouvée ? Est-elle brevetée ?
La culotte est composée de 3 couches qui forment la technologie.
· Il y a une première couche, celle qui est en contact avec le corps et qui permet de drainer les fluides. Cette partie sèche extrêmement rapidement, le but étant de supprimer toute sensation d’humidité désagréable que l’on peut avoir quand on met une serviette. La première couche donc draine les fluides et les conduit à la seconde couche qui est absorbante.
· C’est cette seconde couche qui permet de contenir le sang pendant toute la journée.
· Enfin, il y a la dernière couche technique qui est une membrane très fine, imperméable mais respirante. Elle va éviter les fuites tout en permettant la respiration de la culotte et donc permettre aux fluides de s’évaporer.
En plus de tout cela, la culotte est confectionnée sans couture, ce qui permet une barrière anti-fuite ultra fiable et une invisibilité parfaite sous les vêtements
Cette technologie, je l’ai développée en collaboration avec un ingénieur textile pendant quasiment un an. Nous avions fait plusieurs essais pour enfin trouver le bon compromis par rapport à l’absorption et l’épaisseur. En effet, je voulais que la culotte reste fine et qu’il n’y ait pas une sensation de « couche ». Il a fallu sourcer les bonnes matières, les tester scientifiquement, et trouver les bons fournisseurs par la suite pour qu’ils nous accompagnent également dans la conception de la culotte.
Y a-t-il des freins à l’adoption de ta culotte ? Si oui, comment les surmonter ?
Oui il y a beaucoup de freins à lever ! Sur l’entretien, l’hygiène, la performance et le confort principalement. L’enjeu pour Smoon va être double : faire connaitre le produit et rassurer sur son efficacité.
Nous les filles, lorsqu’on a nos règles pour la première fois, on nous montre un type de protection à utiliser. Souvent, c’est la mère qui nous apprend qu’il faut mettre un tampon, une serviette ou autre, et ce sont ces protections qu’on utilise depuis qu’on est toute petites. C’est pourquoi changer d’usage n’est pas si facile : il y a beaucoup d’appréhensions. Il y a un vrai travail d’évangélisation et d’éducation à faire.
Nous allons communiquer sur les réseaux sociaux mais , nous comptons aussi sur le bouche-à-oreille et les témoignages des premières acheteuses. On a plus tendance à essayer les produits que nos amis nous conseillent.
Quelle est la durée de vie de ta culotte ?
Disons entre 3 et 5 ans, la fourchette est grande car il y a beaucoup de paramètres qui entrent en compte. Tout dépend de la fréquence à laquelle la culotte est utilisée, si la culotte est lavée tous les soirs et utilisée 5 jours pendant le cycle ou si elle est utilisée une fois dans le cycle. Cela dépend également de la manière dont elle est lavée : à la main ou à la machine, etc.
Il est donc possible de la laver à la main ?
Oui, c’est tout à fait possible ! Ce qu’on recommande, c’est de la laver le soir à la main si on souhaite la réutiliser le lendemain et qu’on n’a pas prévu de faire de machine ce soir-là et de la mettre à la machine à la fin du cycle pour qu’elle soit lavée en profondeur.
Pourquoi avoir choisi ce design et pas un autre ? Combien de prototypes as-tu développés avant de trouver le bon ?
L’essentiel pour nous était que la culotte soit performante et confortable, qu’on puisse la mettre en allant courir ou en faisant du yoga par exemple. Nous souhaitions vraiment avoir une culotte qui accompagne le mouvement, qui soit douce au toucher, et qu’on ne perçoive pas en dessous des vêtements. On a effectué une quinzaine d’essais avant d’arriver à ce résultat.
Combien coûte une culotte ? Comment as-tu déterminé le prix ?
Actuellement, nous sommes en pré-lancement, donc la culotte est à 29,90€. En prix de vente, elle sera à 35€. Pour déterminer le prix, nous avons essayé de proposer le meilleur prix en fonction des contraintes de coûts de production, de logistique et autres frais — communication par exemple, etc.
Nous proposons également un pack de 3 culottes dont le prix est plus intéressant.
Où comptes-tu les vendre ?
Dans un premier temps, elles seront vendues sur mon site Internet https://smoon-lingerie.com/, car cela me permet de la vendre dans un environnement où je peux donner toutes les explications nécessaires sur la technologie et le mode d’utilisation. Par la suite, nous aimerions la vendre dans d’autres points de vente physiques bien choisis pour que les femmes puissent aller voir la culotte en vrai avant de l’acheter.
As-tu eu des premières clientes ou influenceuses ? Que pensent-elles du produit ?
Oui, nous avons eu nos premières testeuses-influenceuses qui ont vraiment joué le jeu et qui ont accepté de tester la culotte. Nous avons eu des supers retours : « La culotte est super confortable », « J’ai oublié que j’avais mes règles », « J’étais au sec toute la journée »… C’était top car ça a donné envie à leur communauté d’essayer.
Que veut dire Smoon ?
Smoon, c’est une contraction entre « smooth » et « moon ». Le cycle menstruelle de la femme est souvent mis en parallèle du cycle de la lune. L’idée derrière Smoon est d’aider les femmes à se reconnecter à leur féminité et à passer ce cycle en douceur.
Comptes-tu diversifier la gamme ? Sport ? Piscine ?
La culotte est déjà adaptée pour le sport ! On souhaiterait quand même diversifier nos produits en proposant d’autres formes et d’autres produits. A suivre… !
Et après ?
Diversifier la gamme, c’est déjà un beau projet ! Après, ce serait d’aller à la conquête de l’Europe pour faire connaître Smoon, mais pour cela, il faudra aller lever de l’argent pour pouvoir communiquer à l’international.
Forte de cette aventure, il va sans dire que Mathilde a de nombreuses choses à nous dire sur l’entrepreneuriat . C’est pourquoi nous lui avons également posé quelques questions à ce sujet.
Quelle est pour toi la principale idée reçue d’un entrepreneur qui se lance ?
Je suis un peu biaisée, car mon mari est entrepreneur ! Du coup je n’avais pas tellement d’idée reçue car j’avais une vision assez proche de la réalité. Ce que je pensais s’est réalisé, et je n’ai pas eu tellement de surprises. J’ai plutôt été étonnée — en bien — parce que je m’attendais à ce que ce soit dur. En effet ça l’est — c’est un peu les montagnes russes — , mais je trouve qu’il y a beaucoup de gens bienveillants qui sont prêts à donner du temps et des compétences pour faire avancer le projet. Ce point-là — la bienveillance des gens — c’était plutôt une bonne surprise.
Si tu pouvais recommencer Smoon de zéro, tu commencerais par quoi ?
Je n’en suis qu’au tout début, même si cela fait un an que je travaille dessus. Le lancement ne s’est fait que le 1er février, donc je pourrais sûrement te répondre dans quelques mois mais là tout de suite je n’ai pas encore assez de recul pour te dire ce que j’aurai fait différemment.
Qu’est ce qui te donne le plus d’énergie dans ton travail?
Le fait de croire en mon produit : contribuer au bien-être des femmes me booste énormément. Concernant la protection des femmes, il n’y a pas eu d’innovations majeures sur ce marché là depuis les années 1930, ce qui est hallucinant étant donné que ce sont des produits qu’on utilise tous les jours. Donc c’est vraiment ça qui me boost ; trouver les meilleurs produits qui puissent améliorer le quotidien des femmes.
Une citation ? Un livre ? Un film à conseiller à de jeunes entrepreneurs ?
Ce matin, j’ai posté une citation sur instagram : « S’il y a un problème, il y a une solution. S’il n’y a pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème », je crois qu’elle vient de Bob Marley. . Tous les jours, tu as mille problèmes qui te tombent dessus, et il faut savoir prendre du recul pour les surmonter un par un et continuer à avancer.
Cet entretien a été réalisé par Victorien Carré et Ilhem Ayad pour la Blue Factory ESCP Europe.